mardi 23 décembre 2014

demande d'accès au dossier médical par le biais d'un référé liberté

Pour pouvoir pleinement défendre ses droits devant un juge, il faut pouvoir accéder à son dossier médical dans les plus brefs délais. Le juge des référés du TA de Nantes accepte le recours au référé liberté afin d’accélérer l’accès aux informations contenues dans le dossier du patient. Il est effet primordial pour pouvoir contester le bienfondé d’une hospitalisation de pouvoir disposer de son dossier avant de passer devant un juge. Le juge administratif dispose de moyens efficace de protéger les libertés fondamentales. Serait-il finalement plus protecteur que le juge judiciaire ?
6. Considérant que la possibilité de bénéficier d’un droit effectif au recours au juge a le caractère d’une liberté fondamentale au sens des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que cette possibilité implique nécessairement que l’intéressé puisse obtenir la communication de l’intégralité des pièces figurant dans son dossier et au vu desquelles le juge va statuer, dans les limites prévues par la loi, tant sur la recevabilité que, le cas échéant, sur le fond de l’instance introduite, et ce dans un délai permettant à l’intéressé de constituer utilement sa requête; qu’il résulte de ce qui précède qu’en refusant sans motif légalement établi la communication à Mme B des informations médicales dont elle soutient sans être contredite qu’elles constituent un élément essentiel à l’appui des moyens qu’elle entend développer au soutien de son pourvoi en cassation, Le CHU de Nantes a porté en l’espèce une atteinte grave et manifestement illégale au droit au recours effectif ;



 TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE NANTES
N°1408210
Mme M-D B
Ordonnance du 3 octobre 2014
Vu la requête, enregistrée le 1er octobre 2014 sous le n° 1408210, présentée pour Mme M-D B, demeurant à Nantes (44100), par Me C ;

Mme B demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’ordonner au directeur général du centre hospitalier universitaire de Nantes de lui communiquer son dossier médical à compter de la notification de la présente ordonnance ;
Elle soutient que :
- il est porté une atteinte grave et manifestement immédiate à la liberté fondamentale constituée par la liberté d’accès du citoyen aux documents administratifs et aux données médicales le concernant ; le centre hospitalier universitaire de Nantes, qui n’a pas accusé réception de la demande de communication de son dossier médical notifiée le 28 août 2014, a méconnu les dispositions du II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 et celles de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique qui organisent l’accès du patient au dossier médical le concernant mais ne permettent pas à l’administration de refuser cet accès ; il est également porté une atteinte grave et manifestement immédiate à la liberté fondamentale constituée par le principe d’égalité devant la loi à raison du caractère discriminatoire du refus de communiquer le dossier médical ; il est enfin porté une atteinte grave et manifestement immédiate à la liberté fondamentale constituée par le droit au procès équitable dès lors que le refus opposé par l’administration compromet le pourvoi en cassation formé par Mme B le 10 juillet 2013 contre l’ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Rennes du 18 juillet 2012 confirmant l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nantes du 28 juin 2012 ordonnant la poursuite des soins sous contrainte alors dispensés à Mme B;
 - la condition d’urgence doit être regardée comme remplie, d’une part à raison de la gravité de l’atteinte aux libertés fondamentales précitées, et d’autre part du fait de l’imminence de l’audience d’admissibilité du pourvoi en cassation de Mme B, qui se tiendra le 7 octobre 2014 ;
Vu le procès-verbal de l’audience publique du 3 octobre 2014 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
 1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. » et qu'aux termes de l'article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique (...) » ; qu’enfin aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit (...) justifier de l’urgence de l’affaire » ;
 2. Considérant que Mme Marie-Dominique B, née le XX XX 19XX, a fait l’objet, à compter du 20 mai 2010 d’une mesure d’hospitalisation sous contrainte au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes sur le fondement des dispositions du III  du titre Ier du livre II de la troisième partie du code de la santé publique, dans leur rédaction alors en vigueur ; qu’elle a demandé la mainlevée de cette mesure auprès du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nantes qui a rejeté cette demande par ordonnance du 28 juin 2012, confirmée en appel par ordonnance du premier président de la cour d’appel de Rennes du 18 juillet 2012 ; que Mme B a déposé contre cette dernière ordonnance un pourvoi en cassation le 10 juillet 2013, lequel pourvoi sera examiné en audience d’admissibilité par la formation compétente de la Cour de cassation le 7 octobre 2014 ; que, dans le cadre de la constitution de ce pourvoi, Mme B a présenté le 28 août 2014 auprès du directeur du CHU de Nantes  une demande de communication des documents constituant son dossier médical émis au cours de la période courant du 1er août 2012 au 25 août 2014 ; qu’en l’absence de réponse du directeur du CHU de Nantes à cette demande, Mme B demande au juge des référés, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, d’enjoindre au directeur de procéder sans délai à la communication des documents en cause ;
 3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique : « Toute personne a accès à l'ensemble des informations concernant sa santé détenues, à quelque titre que ce soit, par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées ou ont fait l'objet d'échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d'examen, comptes rendus de consultation, d'intervention, d'exploration ou d'hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en oeuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l'exception des informations mentionnant qu'elles ont été recueillies auprès de tiers n'intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers. / Elle peut accéder à ces informations directement ou par l'intermédiaire d'un médecin qu'elle désigne et en obtenir communication, dans des conditions définies par voie réglementaire au plus tard dans les huit jours suivant sa demande et au plus tôt après qu'un délai de réflexion de quarante-huit heures aura été observé. Ce délai est porté à deux mois lorsque les informations médicales datent de plus de cinq ans ou lorsque la commission départementale des soins psychiatriques est saisie en application du quatrième alinéa. / (…) /  A titre exceptionnel, la consultation des informations recueillies, dans le cadre d'une admission en soins psychiatriques décidée en application des chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie du présent code ou ordonnée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, peut être subordonnée à la présence d'un médecin désigné par le demandeur en cas de risques d'une gravité particulière. En cas de refus du demandeur, la commission départementale des soins psychiatriques est saisie. Son avis s'impose au détenteur des informations comme au demandeur. » ; qu’aux termes de l’article 20 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, modifiée : « La commission d'accès aux documents administratifs est une autorité administrative indépendante (…) La saisine pour avis de la commission est un préalable obligatoire à l'exercice d'un recours contentieux. » ; qu’enfin, aux termes de l’article 21 de la même loi : « La commission est également compétente pour connaître des questions relatives : A.-A l'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques relevant des dispositions suivantes (…) « 14° Les articles L. 1111-7 et L. 1131-1 du code de la santé publique… » ;
 4. Considérant qu’il n’est pas contesté que le CHU de Nantes a été rendu destinataire de la demande de communication de son dossier médical par Mme B le 28 août 2014 ; que cette demande comportait la mention du médecin à la présence duquel Mme B acceptait que soit subordonnée la consultation dudit dossier dans le cas où le CHU entendrait lui opposer les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique précité  ; que dès lors que les informations sollicitées par la requérantes dataient de moins de cinq ans et que la commission départementale des soins psychiatriques n’a pas été saisie dans les conditions prévue de ce quatrième alinéa de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique susmentionné, le CHU de Nantes, en ne permettant pas à Mme B d’accéder aux informations en cause dans le délai de huit jours indiqué au deuxième alinéa du même article, doit être regardé comme ayant opposé une décision implicite de rejet à la demande de la requérante ;
 5. Considérant que si la recevabilité d’un recours contentieux devant les juridictions administratives relatif à la communication du dossier médical est, en principe, subordonnée à l’exercice préalable d’un recours devant la commission d’accès aux documents administratifs en vertu des dispositions combinées du quatrième alinéa de l’article 20 et du 14° du A de l’article 21 de la loi du 17 juillet 1978 susrappelée, ces dispositions ne font toutefois  pas obstacle, eu égard à l’objet même de cette voie de recours, à ce que le juge des référés soit directement saisi, sur le fondement de l’article L. 521-2 du même code, d’une demande tendant au prononcé d’une des mesures de sauvegarde que cette disposition l’habilite à prendre, sous réserve que l'ensemble des conditions qu’elle pose soient remplies, notamment celle tenant à l’existence d’une situation d’urgence particulière ;
 6. Considérant que la possibilité de bénéficier d’un droit effectif au recours au juge a le caractère d’une liberté fondamentale au sens des dispositions précitées de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que cette possibilité implique nécessairement que l’intéressé puisse obtenir la communication de l’intégralité des pièces figurant dans son dossier et au vu desquelles le juge va statuer, dans les limites prévues par la loi, tant sur la recevabilité que, le cas échéant, sur le fond de l’instance introduite, et ce dans un délai permettant à l’intéressé de constituer utilement sa requête; qu’il résulte de ce qui précède qu’en refusant sans motif légalement établi la communication à Mme B des informations médicales dont elle soutient sans être contredite qu’elles constituent un élément essentiel à l’appui des moyens qu’elle entend développer au soutien de son pourvoi en cassation, Le CHU de Nantes a porté en l’espèce une atteinte grave et manifestement illégale au droit au recours effectif ;
 7. Considérant en outre qu’ainsi qu’il a été dit, la formation compétente de la Cour de cassation statuera le 7 octobre 2014 sur l’admissibilité du pourvoi de Mme B; qu’il n’est ni soutenu et ni même allégué que la communication des informations demandées par Mme B ne serait pas nécessaire ou même utile à la justification de l’admission de ce pourvoi, ni que le conseil de Mme B pourrait obtenir de la Cour un renvoi de l’examen de l’admissibilité dudit pourvoi ; que dans ces conditions, Mme B établit l’existence d’une situation d’urgence particulière ;
 8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’enjoindre au directeur du CHU de Nantes de communiquer sans délai à Mme B les informations contenues dans son dossier médicales et visées dans sa demande du 28 août 2014, sous réserve, le cas échéant, de la mise en œuvre des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique ;
 O R D O N N E
Article 1er : Il est enjoint au directeur du centre hospitalier universitaire de Nantes de communiquer sans délai à Mme B les informations contenues dans son dossier médicales et visées dans sa demande du 28 août 2014, sous réserve, le cas échéant, de la mise en œuvre des dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 1111-7 du code de la santé publique, à compter de la notification de la présent ordonnance.

Fait à Nantes, le 3 octobre 2014.