vendredi 6 octobre 2017

La cour de cassation fait évoluer encore un peu le droit de la psychiatrie

Arrêt n° 1006 du 27 septembre 2017 (16-22.544) - Cour de cassation - Première chambre civile - ECLI:FR:CCASS:2017:C101006

Santé publique - Soins psychiatriques sans consentement

Cassation sans renvoi

Demandeur : centre hospitalier spécialisé de [...]
Défendeur : M. Nicolas X... ; et autre





Attendu, selon l’ordonnance attaquée, rendue par le premier président d’une cour d’appel, et les pièces de la procédure, que, le 15 juillet 2016, M. X... a été admis en hospitalisation complète sans consentement au centre hospitalier spécialisé de [...], à la demande de sa mère, sur le fondement de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique, en raison d’un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade ; que, le 21 juillet, le directeur de l’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention aux fins de poursuite de cette mesure ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche  :
Attendu que le directeur de l’établissement fait grief à l’ordonnance d’ordonner la mainlevée de la mesure alors, selon le moyen, que les mentions d’une décision de justice font foi, jusqu’à inscription de faux et l’article R. 3211-19 du code de la santé publique impose au greffier de la cour d’appel de faire connaître par tout moyen la date et l’heure de l’audience au tiers qui a demandé l’admission en soins si bien que l’ordonnance attaquée ne faisant pas mention de ce que la mère du patient, auteur de la demande d’hospitalisation, a été avisée de l’audience, l’ordonnance attaquée a été rendue sur une procédure irrégulière en méconnaissance de la disposition susvisé ;
Mais attendu que le directeur d’établissement est sans qualité pour critiquer le défaut d’information d’un tiers à la procédure ; que le moyen est irrecevable ;
Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis ;
Attendu que, pour prononcer la mainlevée de l’hospitalisation sans consentement, l’ordonnance retient que les éléments à l’origine de la mesure ne sont pas justifiés dès lors qu’il n’est pas précisé en quoi les troubles mentaux de l’intéressé, à les supposer établis, seraient de nature à constituer un danger pour lui-même ou pour autrui et qu’il n’est nullement fait mention de risque de suicide, de mise en danger, ou d’hétéro-agressivité ;
Qu’en statuant ainsi, alors que le certificat initial du 15 juillet 2016, qui indiquait l’apparition d’un comportement incohérent assorti d’agressivité verbale, d’hallucinations auditives, de mise en danger du patient et de refus de soins, concluait que M. X... ne pouvait pas donner son consentement, que son état mental imposait des soins immédiats assortis d’une surveillance médicale constante et, enfin, constatait, d’une part, l’existence d’un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, d’autre part, la nécessité et l’urgence à l’admettre au centre hospitalier où lui seraient assurés les soins rendus nécessaires par son état de santé, le premier président, qui a dénaturé cet acte, a violé le principe susvisé ;
Et sur les sixième et septième branches du moyen :
Vu les articles L. 3211-12-1, L. 3216-1, L. 3212-3 et R. 3211-12 du code de la santé publique ;
Attendu qu’il résulte de ces textes que le juge qui se prononce sur le maintien de l’hospitalisation complète doit apprécier le bien-fondé de la mesure au regard des certificats médicaux qui lui sont communiqués ;

Attendu que, pour statuer comme elle le fait, l’ordonnance retient que les constatations médicales sont imprécises, en discordance avec les propos tenus par l’intéressé à l’audience, et que M. X... se dit prêt à voir un psychiatre ;

Qu’en statuant ainsi, par des motifs relevant de la seule appréciation médicale, le premier président, qui a substitué son avis à l’évaluation, par les médecins, des troubles psychiques du patient et de son consentement aux soins, a violé les textes susvisés ;
Et vu les articles L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire et 1015 du code de procédure civile ;
Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’ordonnance rendue le 27 juillet 2016, entre les parties, par le premier président de la cour d’appel de Nîmes ;
DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

Président : Mme Batut